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L’association Baisser les barrières aide les malvoyants à poursuivre leurs études en numérisant des ouvrages universitaires et en leur dénichant des stages en entreprises. Mission: briser les préjugés et les réticences des recruteurs.

« On impose aux entreprises de recruter 6 % d’handicapés. C’est très bien. Mais, on met la charrue avant les bœufs dans le sens où moins de 9 % des personnes handicapées ont un niveau supérieur à Bac+2 contre 26 % pour l’ensemble de la populationOn pourrait peut-être commencer par favoriser l’accès aux études… » Cette sentence, c’est Gaëtan, étudiant en Master 1 de droit public qui la prononce. Adhérent à Baisser les barrières depuis 2007, l’année de son bac, il sait les obstacles que l’association lui a permis de franchir en cinq ans. « Le nerf de la guerre pour les étudiants non voyants, c’est l’accès aux livres numérisés », affirme-t-il. Grâce aux logiciels de synthèse vocale dont leurs ordinateurs sont équipés, les personnes non-voyantes peuvent en effet facilement consulter les éditions numériques. Depuis 2004, l’association a scanné, numérisé et corrigé quelque 1.200 ouvrages pour des étudiants qui n’avaient pas d’autre solution.

Mais, si le savoir universitaire est une base indispensable, l’association n’oublie pas d’accompagner ses adhérents dans leur insertion professionnelle. Comment ? En tâchant de battre en brèche les préjugés des recruteurs et d’obtenir des stages en entreprises pour les non voyants. Gaëtan en a déjà fait quatre, dont un chez Stéria, société de services informatiques, qui lui a demandé de plancher sur la pénibilité au travail dans la perspective d’une négociation collective. 

Son intégration n’a posé aucun problème. « Avec un logiciel de synthèse vocale, nous pouvons faire des recherches sur internet, accéder à des revues spécialisées, donc faire notre travail comme les autres, explique-t-il. Les entreprises sont frileuses parce qu’elles ne connaissent pas ces outils. » Sa dernière expérience professionnelle, qui s'est achevée mi-juillet, il l'a vécue au sein du conseil régional d'Île-de-France. Durant un mois, il a pu apporter son appui au travail politique du cabinet de la vice-présidente chargée de l'Action sociale, Laure Lechatellier.  

 

De son côté, Thibault a également fait deux stages grâce à Baisser les barrières, dont le second, chez Alcatel Lucent, l’a conduit aux États-Unis dans le New Jersey. Depuis dix jours, cet étudiant en école de commerce, aborde son stage de fin d’étude de six mois chez Accenture, géant international du conseil aux entreprises. Un stage qui sonne comme une période d’essai. « Les trois quarts des stagiaires reçoivent une offre à la fin. J’espère en faire partie… » Il ne s’agit plus désormais de s’adapter mais bien de se montrer rentable, performant. « Les missions qu’ils donnent aux stagiaires,  explique Thibault, c’est, par exemple, de chercher des références sur un fichier PDF de 50 pages, ou de faire des synthèses qui nécessitent de traiter des informations techniques ou des chiffres dans des tableaux. Sur ces types de travaux, je risque de mettre trois heures au lieu d’une. Mon défi consiste à réussir à m’organiser au sein de l’équipe, et avec mes chefs, pour me concentrer sur les tâches où je suis efficace. » Dans cette entreprise qui cherche à recruter jeunes diplômés avec handicap, Thibault a six mois pour inventer lui-même sa fiche de poste et se construire son parcours hors des sentiers battus. Ce qui fait dire à Bénédicte Lavoisier, directrice de la structure, pleine d’admiration : « Ces jeunes-là sont des pionniers ! »